19.06.2011
L'ODYSSEE
A mon ami, Victor Olejniczak...
Irène dort près de l'ancien sanctuaire. Le pays se délabre. Mais elle ne veut pas partir avec moi. Je ne peux plus lutter contre cette société, comme si cela ne suffisait pas de devoir laisser la maison de mon père aux créanciers. Hier, la foule me portait, mais quand ils ont molesté l'homme, je suis resté à les regarder faire, Irène a cru que j'avais trahi les miens et la foule m'a désavoué, c'est vrai, j'ai tenté de tuer le créancier, c'était une heure avant, je l'avais suivi dans les rues, je savais où le retrouver, il traînait devant le parlement, je l'ai poussé dans une allée, et je serrais sa gorge, j'étais devenu fou, sans l'intervention d'Irène je l'aurais étranglé de sang froid. C'est là, qu'elle a su que je pouvais trahir, tuer. Elle me regardait faire, ça l'arrangeait de voir que je n'étais plus le même. Je n'ai pas senti le vent tourner. Athènes est complètement dévastée, j'ai fui, j'ai laissé Irène chez sa mère, mon intention est de fuir encore. Elle a dit, où que j'aille, qu'elle m'attendra, elles vivent toutes les deux au sud près du sanctuaire. Irène a peur de moi désormais. Les enfants partiront demain pour l'Italie avec une organisation spéciale dont je ne sais rien, Irène a peur pour eux, pour moi, pour tout, elle passe ses journées dans la rue, à organiser je ne sais quoi, avec je ne sais qui, elle passe toutes ses nuits assise près de l'ancien sanctuaire à pleurer, elle pleure quand j'arrive elle pleure quand je m'en vais, pourtant elle raconte dans mon dos que je suis un raté, qu'elle n'aurait jamais cru ça de moi, elle dit encore qu'elle ne peut pas passer sa vie sans moi. La nuit, je sais qu'elle ne dort pas, elle craint que je rejoigne Helena à Prague, au fond, elle fait semblant de mener des combats, mais la crise ne l'intéresse pas, contrairement à ce que tu crois, cher Victor, Irène n'est pas une héroïne, les exploits que tu sais, elle les faisait pour moi, maintenant qu'elle doute, elle pourrait me livrer à la police, elle dit toujours qu'elle m'attendra, je crois qu'elle s'amuse à brouiller les pistes. Je vais tâcher de rejoindre Helena à Prague, j'ai grand besoin de m'amuser. Helena n'a aucune fierté, elle est assez folle pour me reprendre avec elle, elle traîne ces souvenirs de moi comme une vieille antiquaire, depuis le temps qu'elle m'espère. Si tu viens, tu pourras t'occuper d'Irène, tu pourras la baiser tant que tu veux, profite de l'occasion, tu es mon seul ami, Victor, Irène aura besoin d'un homme quand elle saura que je suis mort, autant que ce soit toi, je te payerai pour ça, baise la correctement, mais tâche de ne pas trop l'aimer, n'oublie pas qu'Irène est à moi. Quand j'aurais mis l'argent à l'abri, et que j'aurai livré Helena, je serai riche, alors tu me verras revenir."
IPPOLITOS KOSTAS : "Lettres à Victor Olejniczak" suivi de "What Crisis ?", traduction Kathy Esposita, éditions Massier -NCG- (Nouvelle Collection Grecque), 2011, Volos .
Publié dans Ambiguïtés, Amour, Littérature étrangère, Littérature moderne, Politique, Roman | 02:39 | Lien permanent | Imprimer