31.01.2011
ELOGE DE L'OMBRE
"Celui qui se montre aimable mange à notre table. Il traverse nos vies imprégné de la mort qui le poursuit. Il s'approche de nos ombres qu'il embrasse. Un jour ce monstre s'installera dans notre lit. Pour l'heure, il nous guette, il séduit. J'ai récemment appris qu'à l'âge de vingt ans, dans un bref instant de colère, il a tué sa mère. Trois coups de hache auront suffi. L'année suivante, il a noyé sa soeur au fond d'un puits. L'année d'après, on a retrouvé sa petite amie étouffée sous un oreiller dans un hôtel de Barcelone. Il parait que lorsqu'il est triste il tue puis il oublie. Ses victimes sont toujours des femmes. Ensuite il redevient aimable. Parfois, il se plaint du malheur qui a dévasté toute sa vie, emporté les trois femmes qu'il adorait le plus au monde. Il pleure à notre table, il pleure et se blottit. Il nous demande de le serrer très fort dans ses bras. Souvent, il nous supplie. Il est tendre comme un enfant, ses yeux sont doux, ses mains vont et viennent dans nos cheveux. Ses lèvres ont le goût merveilleux de petites confiseries en pâte d'amande. Il est impossible de ne pas céder à toutes ses douceurs. On pourrait même l'aimer, à la folie. C'est sans doute ce qui constitue le charme de sa terrible maladie."
JOSEFA ALBENINO : extr. "Les maux sont manuscrits", (traduit par Isidro Fuentes), éditions de La Moneda Informe, 1998, Saragosse.
Photo: Esther Coxhyll © 1999. "The Beast", Extr du livre de photographies "Les monstres doux" paru aux éditions "Something Else", 2003, Londres.
Publié dans Ambiguïtés, Amour, Biographie, Histoire, Littérature étrangère, Littérature moderne, Livre, Mort, Musique traditionnelle, Narcissisme, Photographie, Portrait, Psycho, Roman | 11:57 | Lien permanent | Imprimer
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