14.03.2011
ADA (ou l'ardeur)
Alors qu'elle revenait à pied de St Bonnet, sous le soleil, Soeur Ada perdit connaissance devant la cabane de l'idiot. Pour la première fois de sa vie, elle fût secourue et Dieu lui même n'aurait pu désavouer une aussi belle coïncidence. Après un grand brouillard, quand Soeur Ada s'éveilla tout à fait, elle vit qu'un homme était couché sur elle, en son corps, un mouvement véritable la tournait entière vers Dieu. Elle se crût visitée. L'idiot ouvrageait en douceur, il n'avait pas l'intention de lui faire du mal, c'était une si jeune religieuse, il n'irait rien brusquer. C'est ainsi que Soeur Ada se laissa guider sans penser qu'elle commettait peut-être, à cet instant, un péché extrêmement grave ; mais les simples d'esprit ne vivent-ils pas déjà sur terre comme au royaume des cieux ? Quelques mois plus tard, l'évêque fût informé par la mère supérieure que Soeur Ada avait accouché dans le plus grand secret, d'un enfant qui avait tout l'air d'un ange, ou plus encore, on devinait... Pas un instant Soeur Ada ne fût soupçonnée. Il ne resterait plus qu'à valider les preuves que l'opération du Saint Esprit avait parfaitement fonctionné, et l'on ferait de Soeur Ada l'incarnation de la Vierge Marie, quant à l'enfant, son destin était d'ores et déjà tracé.
ANDRE MAÎTRE : extr. "Les simplicités", éditions du Narthex, 1937, Beaulieu.
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