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31.12.2013

LA VIOLENCE DES RICHES

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"Quand Inès vint se présenter à cet emploi qu'on eût dit fait pour elle: "femme de chambre", Gustave la mit d'abord à l'aise, puis la fît s'installer devant lui sur la petite chaise en bois modeste, un style de siège de presbytère inspirant le recueillement. Ce qu'il vit en premier ce furent les jambes d'Inès croisées bien poliment avec la robe qui cachait ses genoux, il remarqua aussi que la jeune fille se tenait toute menue et serrée, dans cette robe agrémentée de rubans trop nombreux, il s'amusa un peu, de cette taille maintenue par une ceinture épaisse en cuir rose à torsades, retint l'idée qui le prenait de toucher cette boucle en forme de marguerite et pour contrer son embarras, craignant qu'il fût visible, il se mit à parler d'une voix solennelle, prodiguant des conseils de morale et de probité, le ton était si rassurant qu'Inès crût revoir feu son père, avec sa grosse moustache et sa montre à gousset, la prévenir des fléaux de ce monde. La moustache de Gustave elle aussi rebiquait. La petite aimait ça. "Un homme simple et honnête", se dit-elle, "pas comme ces imbéciles de mon âge qui soulèvent les jupons et s'en vont en bêlant". Elle commença à décroiser ses jambes, à présent plus confiante. Gustave se régalait des petites indulgences, poursuivait, doux comme le protecteur imité à merveille, le tenant à distance et semblant impeccable, gris dans ses vieux habits, aimant ses meubles d'époque, tenu bien comme il faut, il secouait la tête observait la petite sous le portrait sérieux de sa défunte épouse, mimait encore le deuil de ces veufs encombrés d'un chagrin accablant, il demanda plus bas :

"Et quel âge avez-vous, mademoiselle, s'il vous plaît ?".

Inès lui répondit encore assez gaiement:

- Douze ans et demi ! mais j'aurai bientôt treize  !". 

 Parfait. C'était parfait."

 

EMILE HUILLET : extr. "Chroniques des vies modestes" Vol. I, éditions du Condor, collection Rosé Noir, 1957, Rouen.

 

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