06.03.2012
LES TEMPS SUSPENDUS
"Il y a ce signe, un monolithe, le retranchement fécond au dedans de la cage, autrefois habitée, c'est un cocon qui dissout toute trace, la dissémine, peu à peu la maison devient une béance à peine séparée de cloisons, cela se passe dans l'étendue raffinée des conversations. Une béance. Personne n'est à sa place, il y a à l'écart en bout de table, un homme concentré dans une solution, cette corne d'abondance, ce n'est pas le réel, à présent décalée avec lui, imposant son silence, il s'agit d'autre chose qui répète le parcours avant l'éxécution, creuse l'oeil du visiteur, lentement paraît consumer la présence. Ce signe, un monolithe caché derrière l'oeil, perdu dans ce tableau contemple l'effort appliqué des convives, assourdit leurs voix et ce ton, les amabilités forcées. L'attaque ne rend pas les échos, elle épuise et l'homme ne connaît pas les conséquences, qui plus tard, sans doute, l'effrayeront quand il dépliera ce plan mille fois déplié, y cherchera les paysages de la pampa qu'il voit pendus au milieu du salon, il ne reconnaîtra personne. Quand il s'éveillera dans les conversations entourés des mêmes, ceux d'hier, de demain, enjoués, impartiaux, il s'étonnera des coups de gueules. Renversé, à zéro, il ne comprendra pas d'où vient ce son, quel est cet autre qui ne lui ressemble pas avec son air bonhomme, sa chemise à carreaux, les manches relevées, voilà qu'il lui tape gentiment dans le dos :
- "Et toi ? T'en dis rien ? A ton avis, qui a raison ?"
- "Qui ça ? Moi ? Mais, euh.... Personne n'a raison. Enfin, je ne sais pas..."
EUGENIO CRISTALLIDO, "Cérémonial", éditions Jarret § Traum, 1976, Parme.
Publié dans Ambiguïtés, Archéologie, Littérature étrangère, Littérature moderne, Mort, Paysage, Peinture, Roman | 03:35 | Lien permanent | Imprimer
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