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27.06.2011

PORTRAIT D’UN INCONNU

 

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Arthur Gambasse, debout, sur une table d'un café de la rue du Faubourg St Antoine, jetait des malédictions sur le passé, sa voix vrillante louait les forces de l'avenir, ses proclamations vaticinatoires généraient de violentes bagarres avec les jeunes personnes du monde ancien. Il s'agissait de ruiner les inspirations mièvres, d'effacer ces peintures croûteuses où des personnages imbéciles posaient parmi les fleurs, d'éradiquer ces paysages hideux, il fallait à tout prix disloquer le bucolisme de la vieille poésie, dont la tête de turc était Emile Bécherot, à l'époque directeur vieillissant de "La Nouvelle Revue des Arpèges". Arthur et ses dislocateurs désiraient anéantir cette admiration que les artistes vouaient à la nature, cette gentillesse qui n'épousait plus les formes de la modernité, il était temps de porter aux nues les nouvelles machines, de ne pas occulter la cruauté d'un avenir s'annonçant plus douloureux que toutes les douleurs connues jadis. Arthur adressait à la foule des messages subliminaux, détournés, souvent obscènes visant à décrasser les esprits, et cela déchaînait des scandales réguliers à une époque où la société bourgeoise était choquée à la moindre nouveauté. Il était jeune, roulait dans des voitures de sport, ou bien allait sur des motos bruyantes avec son éphémère groupe "Les dislocateurs", verser du goudron dans les allées des jardins botaniques de Paris, il dessina avec fougue les premiers avions, exalta les locomotives, fit l'éloge des armes à feu et ses reproductions de nus disloqués, parfois composés avec des clefs de 12 et des vis trempées dans l'acide chlorhydrique  étaient un sensuel pied de nez à la pérennité de l'art. A cette époque nul ne pouvait encore deviner que quelquepart en Italie, un certain du nom de Marinetti était en train de lui voler ses idées."

GERMAIN GRUVIER : extr. "La vie singulière d'Arthur Gambasse au temps des futuristes", 1956, éditions des Ripostes, Montreuil.

Photo : © Germain Gruvier : Premiers rouages de la machine à traire l'espace" (1956) imaginés par Arthur Gambasse en 1916, Musée des Arts et Machines de Montreuil.